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FIN DE MARINELAND : LA FRANCE, À BOUT DE SOLUTION POUR LES DEUX ORQUES RESTANTS

Marineland a fermé ses portes le 5 janvier 2025, mais les deux orques Wiki et Keijo ainsi
que douze dauphins sont toujours retenus dans les bassins à Antibes. Si les mammifères
devaient être transférés au Japon, puis en Espagne, leur sort reste toujours incertain, alors
que leurs conditions de vie se dégradent rapidement.

Par Alice Sacco 
Publié le 3 amai 2025
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Wikie et Keijo, dans le bassin principal de Marineland, à Antibes, le 12 décembre 2024 // NICE MATIN

Le 16 février 2025, un drône de l’association de protection animale One voice capture une scène déconcertante. Les deux orques vedettes du Marineland d’Antibes, Wikie et Keijo, se cognent volontairement la tête à plusieurs reprises contre les portes de leur bassin. Autour des deux cétacés, le parc est désert. Seules dans l'eau, mère et fille patientent depuis cinq mois.

 

Le parc a fermé ses portes le 5 Janvier 2025, conséquence de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et interdisant les spectacles de cétacés à l’horizon 2026. Pourtant, derrière ses murs, Wikie, Keijo et douze dauphins attendent toujours d’être transférés hors des bassins. Nés en captivité, ils ne sont pas en mesure de s’alimenter seuls, et ne peuvent pas être relâchés en milieu naturel.

 

“Quand j’essaie d’entrer, on me met à la porte”

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“Ils ont laissé pourrir la situation”, clame Muriel Arnal d’un ton rancunier. La présidente de l’association One Voice s’est engagée dès 2017 dans la lutte contre les delphinariums en France. Opposée à la captivité de Wikie et Keijo, l’association avait déjà obtenu en 2024 l’annulation de leur transfert vers le delphinarium de Kobe au Japon. “À la dif érence de l’Europe, l’Asie ne bénéficie d’aucun statut de protection pour les orques, explique-t-elle. On parle quand même d’un continent où
la consommation de baleine est autorisée...” La quadragénaire dénonce aussi la “paresse politique” dont elle est témoin depuis l’annonce de la fermeture du Parc, en 2021, et en particulier la 
non-implication de la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher.

 

Alors, inlassablement, Muriel milite pour la création de “sanctuaires marins” et démarche les tribunaux pour obtenir des expertises judiciaires grâce auxquelles elle documente l’état de Wikie et Keijo. “Depuis
2021 je propose à Marineland qu’on se mette autour d’une table, dit-elle. Mais rien n’y fait. À chaque fois que j’essaie de rentrer dans le Parc, on me met à la porte.”

 

Le long de la route départementale 4, derrière les grilles aujourd’hui cadenassées, 103 salariés continuent d'entraîner les 14 cétacés devant des gradins vides. D'abord prévus pour se terminer le 15 avril 2025, les contrats des aides-soignants seront prolongés jusqu’au transfert de Wikie et Keijo. Nicolas Ducros, chargé de communication du parc, encourage le transfert des orques vers d’autres delphinariums. ”Ça fait 15 ans que les associations parlent de sanctuaires et aucun n'a vu le jour, souligne-t-il en insistant sur les neuf millions d’euros que le projet nécessite. C'est illusoire de penser qu’en un an, nous en trouverons un prêt à les accueillir.”

 

Contrainte d’adapter la prise en charge des cétacés et de leurs soignants aux décisions du ministère dela transition écologique, la direction se considère comme “victime collatérale” d’une loi mal anticipée. “L’État se gargarise sur le moment en disant: ‘C'est génial, la France devient le premier pays européen à interdire le spectacle de cétacés’, ils font des interviews dans tous les sens, mais ils n’anticipent pas les conséquences pratiques derrière.”

 

De son côté, Marineland avait pourtant tout prévu. Dès 2021, le parc diminue progressivement son investissement dans les bassins en prévision du transfert des mammifères marins. Mais à mesure que la date butoir prend du retard, l'hygiène des mammifères se dégrade. “Les bassins sont en fin de vie, assène Nicolas Ducros. Pour le bien-être des animaux, il faut qu'ils partent maintenant”. Un vœu qui a manqué de se réaliser le 10 avril dernier.

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Le précédent Morgane

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Contacté l’année dernière par la direction de Marineland, le delphinarium espagnol du Loro Parque, situé au Nord de Ténérife, apparaît aux yeux du parc comme la parfaite bouée de sauvetage. Un transfert rapide et peu coûteux vers une structure européenne? Idéal sur le papier, mais scénario catastrophe pour les ONG françaises et en particulier l’association Sea Shepherd. Marion Crescent, l’une de ses avocates depuis sept ans, remet: “On était très inquiets. On se souvient de l’histoire de Morgane”.

 

Aperçue affaiblie dans la mer des Wadden, au large des Pays-bas, cette orque avait été secouru en juin 2010 par le delphinarium de Harderwijk. Quinze ans plus tard, malgré l’obligation de la remettre en liberté, elle est toujours captive. Transférée au Loro Parque en 2011, l’orque est utilisée pour animer des numéros et se reproduire avec les autres orques résidents, tous issus du géant américain, Sea World. Et les accidents se multiplient : en l'espace de quatre ans, quatre orques ont perdu la vie dans les bassins de Tenerife. 

 

Ainsi, le 9 avril dernier, lorsque deux camions, une grue et un grand filet ont stationné à côté du bassin des orques, prêts à être débarqués, l’inquiétude a grandi. Mais coup de théâtre le lendemain matin: alors que le départ est imminent, l’autorité sanitaire espagnole s’oppose subitement au transfert de Wikie et Keijo. Leur arrivée mettrait en danger un tout jeune veau du Loro Parque, né dans le bassin principal.

 

Un “soulagement”, pour Marion Crescent. À la place, Sea Shepherd nourrit l’espoir de mener à bien son projet phare: la construction d’un sanctuaire marin à Lippi, en Grèce. Envisageable “dans un délai de six mois à un an”, selon l’avocate. L’ONG à même proposé en attendant de mobiliser cinq millions d’euros pour couvrir les salaires des employés et les frais d'entretien des animaux. Sans réponse de Marineland, Sea Shepherd prévoit déjà faire un recours en carence contre l’État français pour dénoncer le manque de solutions apportées et l’encourager à financer le sanctuaire. Contacté, Loro Parque confirme lui qu’il : “est impératif d’offrir à Wikie et Keijo une réponse rapide et appropriée à leurs besoins.”

 

En attendant, depuis l'hôtel SoBlue, à 10 mètres de Marineland, Muriel Arnal peaufine sa dernière idée. Devant les grilles, elle a installé de grands panneaux “Klaxonnez si vous soutenez les orques” destinés aux automobilistes. “Je veux leur envoyer un signe, leur dire au revoir une dernière fois”. Car une autre mission l’attend déjà ailleurs: la semaine prochaine, elle se rend à Nantes, manifester pancartes à la main, devant un autre delphinarium: Planète Sauvage. Après la fermeture de Marineland, il est le dernier parc français en activité, et retient toujours douze dauphins captifs. A.S

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